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Le couteau

Nicolas, plus ou moins SDF, s'est fait gauler onze fois par la police, mais on a du mal à lui en vouloir vraiment. La dernière fois, il a insulté un gendarme, lequel ne lui voulait pourtant que du bien , puisqu'il souhaitait seulement l'amener se dessouler à l'hôpital. Il vient de passer au tribunal, où il s'est fait sévèrement tancer. Mais Nicolas n'en avait cure. Ce qu'il voulait surtout, c'était récupérer le couteau qu'on lui avait confisqué, celui que son père lui avait légué. "Il me sert à tout, à couper de la ficelle, tailler des bouts de bois, cueillir des champignons. S'il vous plaît, rendez-moi mon couteau." Je laisse au journalistre de mon quotidien le soin d'expliquer le pourquoi du comment. "Dans la culture locale, le couteau du père a du sens. C'est lui qui commandait la fin du repas, lorsqu'il se fermait d'un coup sec. C'était un objet quasi-sacré, qui se transmettait. Quand un garçon sortait de l'enfance, un couteau lui était offert. C'était un signe du passage à une autre partie de sa vie, celle du premier duvet du menton, de la voix qui s'éraille, des premiers émois." Bonne pomme, le juge s'est laissé attendrir et il a rendu son couteau à notre bonhomme. Qui a dit que la justice est aveugle ?